Le libre arbitre fonde la responsabilité morale en rendant le mérite, la faute et la sanction intelligibles.
Sans la possibilité réelle de faire autrement, nos pratiques d’éloge, de blâme, de promesse et d’excuse perdent leur sens normatif. Comme l’a montré P. F. Strawson, nos attitudes réactives ne sont pas des caprices, mais des exigences rationnelles adressées à des agents capables de répondre à des raisons. Le libre arbitre n’exige pas l’arbitraire; il exige la capacité de s’approprier ses motifs et de s’y tenir ou de les réviser. C’est ce socle qui rend la justice proportionnée et la confiance sociale possibles.
Les croyances en le libre arbitre favorisent l’éthique et l’effort, comme l’attestent des expériences en psychologie.
Vohs et Schooler (2008) ont montré que suggérer un déterminisme strict accroît la tricherie dans des tâches incentivées. Baumeister, Masicampo et DeWall (2009) observent qu’encourager l’idée de libre arbitre augmente le contrôle de soi et les comportements prosociaux. D’autres travaux relient cette croyance à la persévérance au travail et à la prise d’initiatives, avec des effets mesurables en contexte réel. Autrement dit, quand nous pensons que nos choix comptent, nous choisissons mieux et nous tenons mieux nos engagements.
Le libre arbitre est l’autonomie pratique: agir pour des raisons et se reconnaître comme auteur de ses actes.
Délibérer, peser des raisons, anticiper des conséquences et se corriger en fonction d’arguments, c’est exercer une capacité irréductible au simple enchaînement des causes. La rationalité pratique ouvre un espace contrefactuel — « j’aurais pu faire ceci plutôt que cela » — qui structure nos décisions quotidiennes. Cette auto-gouvernance se renforce par l’éducation et le dialogue, signes qu’elle n’est ni illusion ni magie, mais compétence cultivable. Elle confère à chacun une dignité d’auteur plutôt qu’un statut de spectateur de soi-même.
La plasticité cérébrale et le contrôle top-down soutiennent une agency réelle: nos choix modèlent causalement le cerveau.
L’entraînement, la réévaluation cognitive en thérapie, la méditation ou le neurofeedback modifient durablement les circuits neuronaux, effet bien documenté par les neurosciences. Ces changements dépendent d’actes d’attention et d’engagement intentionnel, montrant que le mental peut contraindre et réorganiser le neural à travers l’apprentissage. Même les données issues de Libet ont été réinterprétées (Schurger et al., 2012) comme des dynamiques d’accumulation et de seuil, laissant place à l’intervention consciente. Un système plastique, sensible aux raisons et aux buts, est précisément le genre de monde où le libre arbitre est opérant.